Encadrement du coavionnage en France : un millefeuille réglementaire et des incohérences sécuritaires
En mars 2016, l’EASA (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) validait la légalité du coavionnage en Europe. Patric Ky, directeur de l’EASA, nous en informait par une lettre que nous vous avions décrite sur coavmi.com.
Après un an de discussions et de sessions de travail regroupant les plateformes de coavionnage, la DGAC, et des experts en aéronautique, la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) a présenté le 22 août 2016 la dérogation à la réglementation européenne qu’elle prévoit pour le coavionnage en France, applicable dès le 25 août 2016.
C’est une bonne nouvelle pour le secteur que l’administration française se soit enfin positionnée sur le sujet, et ait éclairci le cadre réglementaire. Ce nouveau phénomène de société, maintenant entré dans les mœurs, est ainsi pleinement inséré dans le secteur de l’aviation générale.
- Quelles sont les nouvelles dispositions ?
Pour rappel, la DGAC a décidé de rajouter, en plus de la réglementation européenne déjà en place, les dispositions suivantes :
- Pour les vols circulaires de moins de 30 minutes entre le décollage et l’atterrissage et durant lesquels l’aéronef ne s’éloigne pas à plus de 40 kilomètres de son point de départ : une expérience d’au moins 200 heures de vol après l’obtention de la licence de pilote ainsi qu’une expérience récente de 25 heures de vol dans les 12 derniers mois seront exigées ;
‐ Pour les autres vols, ceux ci doivent exclusivement se dérouler en conditions de vol à vue, et il sera en outre exigé, si le pilote ne dispose pas d’une licence de pilote professionnel, la détention d’une qualification de vol aux instruments ou d’une qualification d’instructeur, en plus du PPL.
- Quel est notre point de vue ?
La dérogation proposée par la DGAC est une première brique, mais ne devrait pas être, selon nous, la version finale. Et ceci pour plusieurs raisons.
- Pour les vols circulaires : la limite des trente minutes est bien trop courte : cela reviendrait à presser le pilote, quels que soit les aléas rencontrés en vol, pour que celui ci soit certain de rentrer à temps pour ne pas changer de « catégorie de vol ». Nous retrouvons ici les problématiques liées à l’objectif destination.
- Pour les autres vols : il est illogique d’exiger l’IFR pour un vol en conditions de vol à vue. Cela revient à demander le permis moto pour faire du vélo, et qu’en plus on vous interdise de faire de la moto !
Si l’objectif de la DGAC est de promouvoir l’IFR, c’est là aussi incohérent, puisque le pilote ne pourra pas voler en conditions IFR.
- Pourquoi demander une qualification instructeur pour effectuer une navigation en coavionnage ? La DGAC semble estimer que le brevet de pilote PPL n’est pas suffisant pour piloter un avion avec des passagers.
L’objectif de nos plateformes est de proposer aux pilotes de pouvoir voler plus souvent, tout en assurant une sécurité aux passagers (vérification des documents d’identité, licences, certificats médicaux, avis des passagers, etc). L’objectif de la DGAC est au contraire de limiter les heures de vol des pilotes, ce qui pour nous est contradictoire avec l’idée de sécuriser les vols en coavionnage. En effet nous savons que l’expérience et la sécurité croissent avec le nombre d’heures de pilotage.
De plus, nous n’avons pas reçu d’arguments valables de la part de la DGAC basés sur des statistiques ou raisons liées à des facteurs humains permettant d’appuyer ces dispositions. Nous, plateformes de coavionnage, avions rendu à la DGAC les conclusions de nos travaux effectués avec des experts en sécurité aérienne. Il est intéressant de noter que la DGAC n’en a pas tenu compte. Au lieu d’évaluer précisément les risques sécuritaires liés au coavionnage, la DGAC l’encadre avec ceinture et bretelles.
En mettant en place ces contraintes, nous avons donc l’impression que l’objectif de la DGAC n’est pas de construire un cadre sécuritaire au coavionnage, mais d’en limiter très largement l’usage.
- Comment le coavionnage est-il perçu en Europe ?
Pour rappel, Coavmi est aussi présent en Allemagne et en Grande Bretagne. Ces pays, ainsi que l’EASA, contrairement à la France, soutiennent largement le coavionnage et ont compris que l’usage de celui-ci permettra aux pilotes d’acquérir plus d’expérience, et de développer l’aviation générale. Une fois encore, la France souffre d’un excès de réglementation lorsque les autres pays européens ont perçu une belle opportunité.
- Pour la suite :
Néanmoins, des points positifs ressortent. Il y a six mois, la DGAC voulait nous imposer un Certificat de Transport Aérien (CTA), ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Nous allons continuer à travailler avec l’EASA et la DGAC afin d’affiner ces dispositions et obtenir un niveau d’exigence proportionné à la sécurité requise.
Coavmi est fier de participer à la mise en place de cette réglementation, et espère que les discussions aboutiront à notre but commun : développer l’aviation générale tout en conservant un cadre sécuritaire adapté.
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